LES EXPLOITS DU SUBCONSCIENT
LES EXPLOITS DU SUBCONSCIENT
« La forme de la matière biblique dans le Coran rend certain que Mahomet n'avait jamais lu la Bible, et il est peu probable qu'il ait jamais lu d'autres livres. » Telle est l'opinion exprimée par W.M. Watt, dans son livre consacré au Prophète. Elle diffère notablement de celle de la majorité des islamologues qui pensent le contraire. Il est dans la nature des choses qu’un sujet consacré à l’Islam ou à son Prophète, soulève des interrogations et des questions. Mais si le Prophète n'a pas eu accès à la Bible, d'où vient-il qu'il se réfère souvent aux mêmes sources ? Certains orientalistes sont convaincus qu'il recevait ses informations de mystérieux Chrétiens qui tenaient à lui enseigner les fondements des religions judéo-chrétiennes, mais qui en altéraient simultanément le contenu. Dans quel but ? Mahomet était en réalité un novateur qui se serait affranchi de ses commanditaires, avant de voler de ses propres ailes et de fonder la religion musulmane.
Watt évoque le nom de Waraqah, cousin de Khadidja, la femme du Prophète, qui se serait converti au Christianisme et « encourageait Mahomet à croire qu'il recevait des révélations semblables à celles des Juifs et des Chrétiens. » Selon l’intéressé, il suffirait de prendre un quidam, de lui suggérer qu’il reçoit des « révélations semblables à celles des Juifs et des Chrétiens, pour qu’aussitôt, il se mue en un grand Prophète. Le manque de vocation du genre humain est affligeant, puisqu’après lui, personne n’a tenté de devenir la référence suprême en matière de spiritualité. Il était donc si facile de former des Prophètes, et personne n’avait songé à utiliser cette possibilité ?
Pourtant, malgré ces arguments qui à première vue paraissent irréfutables, d’autres fauteurs de troubles sont venus prétendre que cette thèse ne tient pas debout, car le Prophète Mohammed aurait eu en réalité, un maître ès spiritualité, en la personne d’un moine, nommé Bahira, qui vivait en ermite près de Bostra, sur le flanc du Djebel Druze, et que l'Eglise accusa souvent d'être un hérétique. Ce moine se serait soudain prit la tête et aurait décidé de former des Prophètes, pour les pousser eux aussi à l’hérésie afin de contrebalancer ou même de se substituer à l’Eglise chrétienne. Du coup, il sortirait de sa misérable retraite spirituelle, perdue au flanc d’un coteau, de nulle part, et l’on viendrait de toute part reconnaître ses mérites et l’encenser. Et alors, à nous la belle vie ! Mais, son projet est tombé à l’eau et lui-même s’est noyé dans les larmes d’un désespoir sans fond.
Jamais à court d’arguments, d’autres orientalistes y sont allés eux aussi de leur chansonnette. Ainsi, on trouve un autre mystérieux personnage chrétien qui aurait prêché pendant la grande foire d’Okâz, et auquel Mahomet aurait prêté une oreille attentive. Séduit par le mystérieux personnage (il faut insister sur la notion de « mystérieux », parce que cela permet de noyer le poisson dans l’eau et de passet de références historiques), le futur Prophète aurait abandonné femme et enfants, maison et compagnons, pour suivre le moine en question afin de bénéficier de son non moins mystérieux enseignement. Ayant acquis la plénitude des sens et l’épanouissement spirituel ad hoc, il se mit à prophétiser et les gens stupides et crédules sont tombés dans le panneau, en pensant découvrir la vérité ! Naturellement, personne n’entendit parler de ce mystérieux moine, qui aurait été certainement mieux inspiré de profiter de sa science plutôt que de la propager à d’autres, et de rester à croupir de misère.
Certains auteurs font valoir que durant ses déplacements, Mohammed aurait pu entrer en contact avec des Arabes chrétiens de la frontière syrienne, ou encore avec des Abyssins également chrétiens venus du Yémen pour atteindre La Mecque. Comme si cela ne suffisait pas, pour faire bonne mesure, les orientalistes ont encore fait appel aux Ghassanides de Syrie bien sûr, mais aux Lakhmides de Hira qui pratiquaient le Christianisme sous la double forme du monophysisme et du nestorianisme, sans oublier les tribus du désert à l'image des Kalb, des Tanoukh, des Taghlib, des Hanifa, ainsi que de quelques centres urbains isolés, et d'autres anachorètes anonymes. (Francesco Gabrieli. Mahomet et les grandes conquêtes arabes)
Mais ce n'est pas tout ! Loin s’en faut ! Comme il fallait à tout prix découvrir son imposture, les arguments les plus fallacieux étaient les bienvenus. C’est ainsi que d’autres chercheurs, ont mis en action de mystérieux personnages juifs, cette fois, destinés sans doute à contrebalancer l'influence un peu trop envahissante des Chrétiens. En fin de compte, cela fait vraiment trop de monde à s’intéresser à cet homme qui s’appelait Mohammed. Pour quelles raisons, des populations entières d'Arabie, de Syrie et de Palestine se sentirent-elles soudain la vocation d'enseigner la Bible à un simple citoyen, qui ne demandait rien, et que tout ce battage fait autour de sa personne soit passé inaperçu de la quasi-totalité des gens ?
En réalité, l'excitation désordonnée des auteurs occidentaux cache mal leur volonté de détruire à n'importe quel prix la thèse musulmane qui a l'avantage d'être unique et authentique : celle de la Révélation divine.
Est-il raisonnable de croire à la vraisemblance de tels récits ? Pourquoi les promoteurs en question ne se sont jamais manifestés, lorsque le Prophète s'est attaqué aux religions juive et chrétienne, accusées d'être altérées par des mains corruptrices, et à l'idolâtrie, dénoncée comme le plus grand crime de l'humanité ? Le moins est de penser que, si mystérieux personnages il y avait, ils n'auraient pas manqué de se manifester contre les prétentions de ce pseudo-prophète, qu’ils ont contribué à former, mettant à nu son stratagème et ruinant ses espoirs. Mais rien de cela ne s'est produit. Jamais aucune source ancienne n'a émis le moindre commentaire qui aurait pu donner quelque crédibilité à ces versions. Dans ces investigations, les sources musulmanes n’ont pas été les seules à être mises à contribution. La partie belle a été réservée aux porte-paroles juifs, chrétiens et païens qui sont restés muets.
La pugnacité des Occidentaux ne le cède qu'à leur imagination débordante. Voici à titre d'exemple le raisonnement émis par Rodinson : « On a cru pouvoir déceler, écrit-il, dans un schéma fréquent, l'influence de l'ordonnance habituelle d'homélies célèbres dans l'Eglise syrienne, celle du père de l'Eglise, Saint-Ephrem. Des auteurs nous racontent que Mohammed aurait entendu à la grande foire de 'Okâz, prêcher un Chrétien, Qoss Ibn Saïda, évêque, dit-on, qui aurait développé en prose rimée et en vers, le thème de la fragilité humaine et la proximité du Jugement. Aurait-on là un chaînon entre le Christianisme syrien et le Coran ? » se demande faussement candide l'auteur, avant d'ajouter : « Certaines concordances sont impressionnantes, mais Qoss est peut-être un personnage légendaire et ses sermons sont peut-être apocryphes. »
En clair, l’intéressé estime que le discours prononcé par Qoss Ibn Saïda, à la foire de 'Okâz aurait influé considérablement sur le destin prophétique de Mohammed. Seulement il ajoute dans la même veine que l'évêque en question n'a peut-être jamais existé. En conséquence, il n'a pu prononcer de sermons que le Prophète n'a évidemment pu entendre. Malgré tout, ces concordances comme il les appelle, sont impressionnantes. Mais Rodinson voulait certainement dire que les concordances étaient impressionnantes par leur caractère farfelu, et que le fil de sa pensée se soit égaré entre-temps ? Car, comment peut-on être impressionné par quelque chose qui n'existe pas ?
Voilà de quelle façon on essaie de mystifier les lecteurs tout en déformant la vie du Prophète et la portée de son apostolat. Ainsi, les orientalistes pouvaient jouer sur plusieurs tableaux à la fois afin de « confondre » le Prophète et découvrir le « secret » de ses révélations. Mais tout n’est pas terminé, puisqu’après avoir maintenu que le Coran avait été dicté au Prophète par de mystérieux personnages chrétiens, W.M. Watt lui aussi se contredit quelques chapitres plus loin en soutenant un point de vue tout à fait opposé. D’après lui, les révélations provenaient non pas de l'extérieur mais du subconscient de l'intéressé, et à son insu ! « Dire que Mahomet était sincère n'implique pas que ses croyances étaient exactes. Un homme peut être sincère et se tromper. Il n'est pas difficile à un occidental contemporain de montrer comment Mahomet a pu faire erreur. Ce qui semble pour un homme venir de l'extérieur de lui même, peut en vérité venir de son subconscient... » La théorie du subconscient est chère à bon nombre d'orientalistes. Ils y voient un sujet de choix très maniable, contrairement aux versions précédentes qui demandent un minimum de références et de citations. L'avantage est que l’on peut imputer au subconscient toutes sortes d'insanités sans le voir broncher ou démentir. Ces raisons ont incité les spécialistes à user de ce procédé si commode.
Il va sans dire que le subconscient ou l'inconscient s'applique aux processus mentaux qui échappent au contrôle du sujet. C'est dans cet état que le Prophète aurait rédigé le plus pur joyau de la littérature arabe. En outre, toujours soumis à un psychisme irrationnel, il aurait jeté les bases d'une nouvelle société, défini les obligations divines, établi un code de justice, prescrit une éthique rénovée, réorganisé le milieu socioculturel, réglementé les droits et les devoirs des citoyens, élaboré la première convention, etc. Et toujours dans cet état d'inconscience (ou de latence ?) prolongé (les révélations ont duré 23 ans), il aurait contribué comme jamais aucun homme ne l'a fait depuis, à expliquer les grands phénomènes qui régissent l'univers et dont la plupart n'ont été (re) « découverts »qu'au 20ème siècle par les savants.
Grâce au Coran, la plupart des secrets de l'univers ont été rendus accessibles à l'homme. La suite de l'ouvrage permettra d’exposer des dizaines de sujets qui ont été dévoilés par le Livre Sacré et qui sont restés méconnus des Occidentaux jusqu'à l'époque moderne. Les phénomènes étaient à ce point nouveaux, que ces derniers n'en avaient pas saisi le sens. Ils demeurèrent incompris durant mille ans. Plus tard, la révolution scientifique entreprit de modifier les mentalités, et alors seulement les révélations prirent leur sens éclatant. Ce qui amènera la conversion à l'Islam de nombreux savants. Car les preuves tangibles sont plus éloquentes que tous les discours du monde.
Depuis, les gens avisés réfutèrent sagement la théorie du subconscient. Car des connaissances supérieures à tout ce que l'humanité avait pu imaginer ne pouvaient émaner si simplement des facultés incontrôlées d'un être humain. Si tel avait été le cas, pourquoi, au vu de ces performances étonnantes, les pays technologiquement évolués s'astreignent-ils encore à promouvoir leurs académies scientifiques et leurs centres de recherches avancées pour résoudre les problèmes spécifiquement difficiles, alors qu'il serait plus commode de manipuler un individu avec des médicaments psychotropes et d'enclencher les processus mentaux «inconscients» qui permettront de répondre aux grandes questions de l'humanité ?
Une telle méthode aurait l'avantage de faire gagner plusieurs siècles d'avance sur une intelligence scientifique conventionnelle. Quelle économie de temps et de moyens pour tout le monde ! Cependant, la plus grande économie consiste certainement à rejeter les élucubrations des orientalistes en mal de sensations. Ceux-ci n'ont pu appréhender le Texte Sacré à sa véritable valeur. A l'image de leurs prédécesseurs, ils n'ont vu qu'un fatras d'enchevêtrements qui se mariait bien avec l'inconscience d'un homme. Mais le Texte coranique reste hors d'atteinte des apprentis-manipulateurs.
Le subconscient du Prophète s'est avéré comme il fallait s'y attendre, tout à fait insuffisant pour élaborer un Enseignement de cette valeur. Depuis, il est devenu évident que la science continuera à progresser en restant tributaire de la recherche fondamentale et non de processus mentaux incontrôlés et que les révélations coraniques constituent bien la Parole Sacrée du Seigneur de l'univers, Unique et Tout-Puissant. Le subconscient du Prophète n'a pu jouer aucun rôle dans la conception du Coran. Ces vérités ont été occultées pour porter préjudice à l'Islam et à son Livre Sacré. Mais nul ne saurait inverser l'ordre des choses sans que la réalité recouvre finalement ses droits.